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Du Temple à la mangeoire

Dernière mise à jour : 25 déc. 2020

Le récit par Luc de la naissance de Jésus invite l’auditeur à l’étonnement. C’est d’ailleurs son intention dès l’ ouverture de son évangile : susciter l’étonnement. Plusieurs marques littéraires le montrent dans les deux chapitres inauguraux. La comparaison entre Jean le Baptiste et Jésus, les contrastes des deux naissances, les tonalités différentes entre Jérusalem et le Temple, Nazareth et Bethléem. Luc joue non sans un certain génie, sur les lieux et les personnages. Pourquoi ? Son intention est celle-ci : en écoutant ce grand récit, « constater la solidité des enseignements reçus (la foi) » (Luc 1, 4) . En bon Grec, il sait que la pensée, la philosophie naît de l’étonnement. Pour lui, la foi naît aussi de l’étonnement. Mais de quoi s’agit-il ?


Le récit de la naissance de Jésus, commence par un déplacement de Nazareth à Bethléem. Ce mouvement se situe dans un contexte historique : le recensement impérial, et dans une histoire familiale : la lignée de David. Un itinéraire à la fois géographique et spirituel. L’auditeur juif s’attendrait à un voyage de Nazareth à Jérusalem, la ville de David. L’évangile a d’ailleurs commencé dans le Temple, le lieu où Dieu « habite ». Le pèlerinage juif consiste à monter à Jérusalem, comme en témoignent les psaumes des montées (psaumes 120 à 126) centrés sur Jérusalem. Et voici, que le récit invite à un déplacement. Passer de Jérusalem et de son Temple, à Bethléem. Bethléem est connue dans la Bible grâce le petit livre de Ruth. Ce récit permet d’entrer dans une lecture spirituelle de la naissance de Jésus.


Bethleem ( בֵּית לֶחֶם, Bet Lehem) la maison (Bet) du pain (Lehem). Au début du livre de Ruth, une famine éclate dans le pays d'Israël. Elimélek quitte Bethléem. Le livre commence donc par une ironie. Installé en Moab, il meurt laissant Noémie son épouse seule et sa belle-fille Ruth. Le tragique s’ajoute à l’ironie. Un jour, la famine survient en Moab. Alors Noémie se lève pour revenir à Bethléem ; car « elle a entendu dire que Dieu a visité son peuple pour lui donner du pain » (Ruth 1 : 6). Le récit des 4 chapitres de ce livre va montrer comment Dieu visite son peuple et comment il donne le pain. Caché, Dieu n’intervient pas directement. C’est Booz, un Bethleemite qui donne le pain et qui « sauve » Ruth et Noémie. Ce que nous apprend le livre de Ruth, c’est que lorsque Dieu agit, il agit caché par l’intermédiaire des hommes.


Luc raconte la naissance de Jésus à Bethléem avec cette interprétation du livre de Ruth. Son intention est de nous inviter à un itinéraire : quitter la majesté du Temple pour la mangeoire. Quitter l’offrande donnée au Temple, pour recevoir la nourriture de Dieu lui-même.


Son récit nous oriente donc vers cette mangeoire. Il n’y a pas de place dans Bethléem et dans la salle commune. Comme dans le livre de Ruth , Luc joue avec l’ironie et la tragédie. Ironie, car la manifestation des anges annonce une Bonne Nouvelle. Or, la Bonne Nouvelle était à l’époque l’annonce d’une victoire militaire éclatante, certainement pas la naissance d’un enfant dans une mangeoire. Tragédie vu le manque de place et d’accueil. Cela va plus loin encore. En centrant son récit sur la mangeoire, Luc la place en opposition avec le Temple : ironie, tragédie, étonnement. Dans le Temple, les prêtres et surtout le grand-prêtre offrent à Dieu des offrandes (bêtes et encens). Le temple, c’est le lieu de la rencontre entre le peuple et Dieu. Situé à Jérusalem, la ville de David, le Temple porte la magnificence (Hérode le Grand vient de l’embellir). Le contraste avec Bethléem est abyssal. Dieu y est caché, vu et reconnu par de simple bergers. Cela suscite l’étonnement. Dieu visite son Peuple dans une mangeoire, à Bethléem, dans la nuit, caché, là


« pour lui donner du pain » (Ruth 1,6).


Luc montre un itinéraire qui est un renversement. Dieu ne vient pas demander des offrandes, mais donner du le pain. Si Booz a été le Sauveur de Ruth et de Noémie en donnant du pain, Jésus ici est le Sauveur en étant dans une mangeoire. Devant une telle affirmation, Luc nous prépare à la suite de son évangile. C’est une merveille, au point que les anges chantent la louange céleste. Étonnement, qui suscite l’interrogation : quel est ce Dieu qui se donne dans une mangeoire, le lieu où l’on mange ?


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