Tandis que l’Église réfléchit sur son avenir et sa réforme, nous avons rencontré le P. Dominique Lang. Dominique est religieux assomptionniste. Il est journaliste à la revue Le Pèlerin (Bayard). Il a aussi la charge d’une petite communauté chrétienne dans un quartier très diversifié de Paris. C’est dans ce cadre que nous l’avons rencontré.
Bonjour Dominique, peux-tu décrire en quelques mots ta mission ?
Je suis accompagnateur de la communauté chrétienne de la chapelle Notre-Dame des Anges à Paris (VI) et j’assure aussi une présence pastorale au Forum 104, qui se définit comme un espace de rencontre, culturel et spirituel.
Es-tu globalement heureux dans ta mission ?
Oui, une belle expérience vécue sur plusieurs années qui permet d’être au coeur du diocèse de Paris, d’accompagner la vie des personnes, d’ouvrir des nouveau chemins liturgiques, pastoraux dans une période complexe et dense.
Quel est l’aspect de ta mission que tu apprécies le plus ?
En tant que prêtre, j’apprécie pouvoir développer une liturgie qui cherche à répondre aux quêtes des personnes rencontrées (besoin d’intériorité, vie fraternelle sincère, espace de parole et de réflexion…) et assurer une présence fraternelle à tant de gens différents.
Quel est l’aspect de ta mission auquel tu es le moins attaché ?
Une certaine idée qu’il faille « réussir » quelque chose (ou faire du chiffre) dans un tel projet pastoral.
Sur quels aspects de ton activité insistes-tu ? L’attention aux personnes. L’écoute des situations. La créativité pastorale sans idéologie. Le déploiement d’une liturgie accessible. L’attention à tout ce qui peut surgir dans un quartier très diversifié. L’accueil des projets nouveaux. Je suis sensible aussi aux enjeux d’une vie fraternelle réelle d’une communauté de quartier comme celle-ci. Et puis, j’essaie de travailler sur l’attention à l’intériorité (augustinienne), sur la place de la Parole de Dieu, sur le respect des personnes (en évitant des formes d’autoritarisme ou de cléricalisme), sur les dynamiques pastorales à développer face à la pandémie, aux scandales, et aussi avec l’appel à la synodalité.
Ainsi, la qualité des liens fraternels entre laïcs et les prêtres, religieux est importante. On doit « sentir » en arrivant une attention aux personnes, désintéressée et créative, en évitant les relations mondaines et les artifices de ce genre. L’amour de l’Église doit être sincère, lucide, incarné, capable d’assumer la complexité des situations mais il doit aussi provoquer des chemins concrets pour avancer humblement à sa mesure.
En lien avec le centre Forum 104, je dois entretenir une sensibilité œcuménique. Le dialogue inter-spirituel et inter-convictionnel doit être réel et concret.
Pour moi, l’expression liturgique se doit de refuser les conservatismes infantilisants et les progressismes idéologiques. Une célébration doit laisser de la place à des parcours spirituels différents, honorant la beauté par le chant, les gestes, les silences et la simplicité des prises de paroles.
Enfin, je veux insister sur des formes de solidarité créatives avec les réalités du quartier et les populations les plus précaires, sur une attention aux actualités du monde, par la prière incarnée et des projets.
Tu es religieux. Penses-tu que ton activité se différencie de celle d’un prêtre diocésain ?
Les grandes paroisses parisiennes sont des « paquebots » énormes qui fonctionnent selon un imaginaire issu du monde de l’entreprise : le curé est le patron, son équipe d’animation est le conseil d'administration et les activités pastorales, les filières de l’entreprise. Et souvent ça roule, ça fait du chiffre. Mais ça en oublie souvent l’attention aux personnes, notamment celles qui n’entrent pas dans le schéma dominant de la famille pratiquante… Sans oublier aussi un discours plus ou moins identitaire, défendant un catéchisme, mais peu enclin à accueillir la quête spirituelle avec autre chose que les outils issus du monde tradi ou charismatique (adoration, pèlerinage, formations…). Les récents scandales dans l’Eglise interpellent sur la place du prêtre. J’assume le fait de ne pas être au centre du dispositif et je le manifeste par différentes attitudes très concrètes.
Aujourd’hui, les vocations se font rares. Qu’en penses-tu ?
De quelles vocations veut-on parler ? Le travail vocationnel nécessite un accompagnement communautaire : comment aider chacun à répondre à sa vocation, à assumer sa place, à oser poser des choix importants ? Et cela part d’abord des combats et des questions des gens, pas des miens ou des nôtres, les religieux. Il y a tant de blessures, de colères et d’incompréhensions chez beaucoup de personnes, qu’il faut un long temps d’apprivoisement avant toute autre proposition.
Il faut aussi développer des lieux paroissiaux où les chrétiens et surtout les jeunes chrétiens puissent forger leur identité propre et leur réflexion face aux défis actuels de manière à éviter qu’ils se laissent happer par des questions identitaires, souvent conservatrices…
Les événements récents (crise pandémique et ses conséquences, écologie, appel à une démarche synodale, révélation des abus en France et ailleurs, etc.) nous poussent à entrevoir la vie paroissiale de manière renouvelée. Quel est ton avis ?
Sur le terrain pastoral, on voit comment les chrétiens de toutes générations sont impactés par ces crises, déstabilisés pour les uns, en colère pour d’autres, etc. Cela invite à vivre l’engagement paroissial non pas comme un « poste » statique avec une boutique à faire tourner, mais comme un processus pastoral pour travailler ces problèmes et ouvrir de nouvelles attitudes pastorales. C’est vraiment passionnant.
Un rêve ?
Et si on osait penser davantage des lieux avec un projet original à chaque fois (présence aux plus pauvres, communauté Laudato si, habitat inter-générationnel, communauté de mission avec des plus jeunes, etc.) ? Cette dynamique-là permettrait de sortir des ornières du passé, me semble t-il.
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