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Jeunes et pandémie (1)

Comme Guenaëlle est maman de cinq enfants, nous lui avons demandé comment, en cette période difficile de confinement et de restrictions de toutes sortes, cela se passe pour ses enfants.



BN. : Vous êtes maman de cinq enfants. Comment avez-vous vécu cette période difficile de confinement, de restrictions de toute sorte ? Et vos enfants, comment l’ont-ils vécue ?


G. : C’est vraiment douloureux. Nos enfants expriment leur souffrance de manière différente selon l’âge. Ils ont de onze à vingt ans. Ils sont restés la plupart du temps à la maison, surtout les plus âgés. L’aîné qui est à l’université, en deuxième année d’ingénieur civil, souffre beaucoup du fait qu’il n’a plus du tout de cours en présentiel. Il n’est pas allé 10 fois à l’université durant cette année. Les cours sont enregistrés et peuvent être visionnés à tout moment. En soi, il a toutes les capacités pour réussir, mais aujourd’hui sa vie est totalement déstructurée. Il reste derrière son écran à regarder je ne sais quoi et il ne parvenait pas, jusqu’il y a quelque temps, à se concentrer sur les cours enregistrés. Heureusement, il a pris conscience qu’il était temps de s’y remettre.


Les deux suivants ne supportent pas de rester enfermés et trouvent tous les stratagèmes possibles pour voir leurs amis en respectant un maximum les règles sanitaires. A passer des soirées dehors tout l’hiver, ils ont certainement renforcé leur immunité.

En tant que parents, nous voyons arriver avec soulagement des règles sanitaires moins strictes qui permettront à nos ados de retrouver une vie d’ados : avec leurs amis et pas uniquement avec leurs parents ! Joie !


Sur le plan spirituel, c’est très compliqué aussi. Nous fréquentons une paroisse où se rassemblent des familles. Nos enfants y avaient leurs amis, ce qui les motivait à une certaine pratique dominicale. Mais aujourd’hui, tout cela s’est arrêté.

Nous avons aussi reçu le témoignage d’un professeur.


L’autre jour, une discussion s’est élevée entre plusieurs de mes élèves. Or, par une sorte de miracle, j’avais décidé de ne pas privilégier la matière de mon cours et de les laisser s’exprimer librement s’ils en éprouvaient le besoin. Je ne regrette pas d’avoir perdu quelque peu la maîtrise du déroulement car ce que j’ai entendu en valait la peine.


Au départ, une simple question sur l’avancement de leurs travaux en « autonomie ». Une élève a pratiquement éclaté en sanglots. Derrière ses mots, c’était tout un chapelet de peurs qui apparaissaient, grossissant l’une par l’autre comme une boule de neige sur une pente aiguë : peur de ne pas arriver au niveau attendu en fin d’année, peur de faire « pour toujours » les frais d’un « nivellement par le bas », peur d’échouer à retardement, et peur par ricochet, de passer in fine à côté de la profession de sa vie ! Une autre élève au contraire lui donnait la réplique en citant tout ce qu’elle avait découvert grâce à cette situation de pandémie. Un nouvel instrument de musique, des relations plus profondes, un amour retrouvé pour la paresse, un certain art de vivre… En les écoutant, je pensais à ces arbres dont les nœuds et les courbes racontent les accidents survenus au cours de leur croissance. En sera-t-il autrement pour ces jeunes ? Ce creux (ou ce nœud pandémique) dans leur histoire les empêchera-t-il vraiment de « bien grandir » ?


Il n’empêche que cette petite tempête survenue dans ma classe m’a donné à penser. Tant sur l’urgence d’écouter les jeunes mettre des mots sur leurs peurs, que sur l’importance de l’encouragement. Être capable de voir sous l’ivraie du Covid le bon grain qui lève. En souligner les vertus. Comme dans cette phrase d’Évangile qui dit qu’émondée, la vigne portera beaucoup de fruits - ne pas oublier que, si l’émondage a tranché de belles branches qui donnaient… la vigne, amputée, en donnera de plus belles.

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Karolina

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