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Rencontre


Maria El Chalouhi… est une jeune femme médecin, qui se spécialise en psychiatrie. Actuellement, elle effectue un stage dans un hôpital psychiatrique qui accueille des malades de longue durée. Elle nous fait part de sa réaction face à la crise actuelle.



En réfléchissant à notre rencontre et au sujet à aborder, je me suis interrogée moi-même et me suis demandé comment me donner du temps. Comment m’extraire d’un quotidien où je suis constamment happée par des sollicitations au travail, afin de répondre à cette demande qui m’est faite de témoigner de mon vécu profond ? Cette demande fut l’occasion d’une prise de conscience qui m’a secouée, parce que dans le cadre de mon travail, je suis invitée à me rendre constamment et immédiatement disponible aux patients et à mes collègues.


Je travaille depuis six mois au sein d’un hôpital psychiatrique... endroit que je n’ai pas connu avant la crise du Covid. J’ai donc du mal à percevoir le bouleversement que la crise sanitaire y a provoqué. Nous n’avons pas d’unité d’urgence psychiatrique et donc je suis très rarement confrontée à la crise, sauf quand je suis de garde. C’est donc surtout dans le discours de mes collègues que j’entends les conséquences de la pandémie et du confinement. Les énoncés comme « on n’en peut plus, on déborde, on est tout le temps dans le stress, la tension... » ou encore « c’est dommage que les patients ne puissent pas rentrer en famille le weekend, c’est dommage qu’ils ne puissent pas bénéficier d’un temps de pique-nique en nature... ». Sans oublier le temps des visites des familles qui est réduit à une heure par semaine, chose que je déplore parce que la rencontre qui a lieu entre les patients et leurs proches lors des visites fournirait un matériel de travail intérieur pour eux !


L’événement qui me frappe et auquel je suis souvent confrontée par contre, est l’état d’esprit avec lequel beaucoup de patients se présentent en consultation ou en hospitalisation avec l’attente d’une réponse immédiate. Je ressens combien cette immédiateté est présente. Ils souhaitent une médication miracle, une hospitalisation miracle, stressent quand je leur annonce qu’il y a une liste d’attente. Ce phénomène n’est pas récent. Il n’est pas la conséquence de la pandémie mais celle-ci l’a accentué ! En tant que future psychiatre, je vois à quel point il est devenu crucial mais difficile de sensibiliser les patients à la rencontre, à ce temps que l’on prend pour dire, pour se connaître. Et bien que j’en sois consciente, je suis affectée moi-même par cet état d’esprit. J’en suis imprégnée comme tout le monde. La difficulté est d’accepter de prendre le temps d’intériorité qui permet de se dégager de cette course folle.


Alors, est-ce que je m’en sors ? Est-ce que je parviens à sortir de cet engrenage ?

Je n’ai pas de réponse. Déjà, je me lève chaque matin et je parviens à me gérer au retour du travail ! La question devient plutôt : comment je fais avec ? D’abord, c’est vraiment une lutte de ne pas me laisser entraîner dans cette vague. Ensuite, je fais un travail d’analyse personnelle, qui est accompagné, et c’est une chance aujourd’hui. J’ai eu aussi la possibilité de m’inscrire aux célébrations pascales. Cela m’a également permis de constater que j’ai vraiment besoin d’ouverture intérieure, de rencontre et de dialogue avec le Christ. Tout cela est un vrai chantier, en pleine construction. C’est un cheminement. C’est dynamique.


Le Vendredi saint, j’ai participé à un office de la Passion qui a duré… 30 minutes, de manière à laisser place à d’autres ; ce que je peux comprendre mais finalement, je retrouvais ce même état d’esprit où il faut faire vite ! Par contre, lors de la veillée pascale, le samedi, j’eus une expérience complètement différente au sein de la communauté des croyants : il nous a été laissé le temps pour le silence, pour la méditation. Nous avons commencé chacun par allumer notre cierge, et puis chacun a pu réaffirmer son engagement de baptême. Ensuite, nous avons eu le temps d’une rencontre personnelle avec le Christ, à travers la Parole. Divers textes de la liturgie nous étaient proposés, illustrés chacun par un tableau. Il fallait faire un choix, prendre un des textes pour méditer et laisser de côté les autres. Je me suis laissé attirer par le texte d’Isaïe 54 et le titre : Une alliance de paix. Le mot « alliance » me parlait, car une alliance c’est un engagement dans un cheminement et cela évoque la question de la fidélité. Dans ce texte, Dieu signale non seulement qu’il est présent, mais aussi qu’il est Dieu d’amour. Je me sentais concernée, dans la mesure où, depuis quelques mois, j’avais laissé de côté ce lien avec le Christ. Je me limitais à savoir qu’il est là. Je lisais : « Ton époux, c’est Celui qui t’a faite, son nom est ‘Le Seigneur de l’univers’ (...) Un court instant, je t’avais abandonnée, mais dans ma grande tendresse, je te ramènerai. » Ces paroles, qui peuvent paraître brutales, me redisaient que Dieu se rend toujours présent, dans un acte d’amour! Où que je sois, son regard demeure bienveillant... et à moi le choix de l’accueillir... ou pas. Un chemin s’ouvre à nouveau et une alliance se rénove, même si je me sens petite face à elle. Voilà mon espérance !

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