Quelle est l’originalité de Saint Augustin dans son rapport aux Écritures ? Quelle manière augustinienne de lire la Bible et quel intérêt pour nous aujourd’hui ?
Augustin est-il un exégète sérieux ?
Le Père Nicolas Potteau prépare une thèse de doctorat sur Augustin et le livre d’Isaïe. Il était donc bien placé en ce jour où l’Église catholique fête saint Augustin, pour en parler en rapport avec la Bible. En guise d’introduction, il relève quelques objections d’une opinion selon laquelle Augustin ne saurait être un exégète sérieux, mais seulement un philosophe et un commentateur spirituel.
Un commentateur qui ignorait l’hébreu et le grec ?
On oppose parfois Augustin le théologien et Jérôme l’exégète sérieux qui confronte les Écritures avec une connaissance profonde de l’hébreu, remarque-t-il. Pourtant Augustin avait accès à des étymologies de l’hébreu constituées par Jérôme. Si chez Jérôme il faut revenir à la vérité hébraïque, pour Augustin il n’en est pas le cas. Puisque les païens se sont convertis au christianisme à partir du texte grec de la Bible, connaître l’hébreu n’est pas indispensable. Ce qui compte, c’est donc le grec qu’Augustin connaissait modérément. Il n’est donc pas juste de dire qu’Augustin ignorait le grec, conclut Nicolas Potteau.
Une lecture enfermée dans la foi ?
Si tu manques de temps pour scruter toutes les pages saintes, tiens la charité où tout est résumé; tu tiendras ainsi ce que tu y as appris; tu tiendras aussi ce que tu n’as pas encore appris
Pour Augustin il faut aborder l’Écriture à partir de la foi. Cela s’explique par le fait qu’Augustin a en face de lui des philosophes pour qui l’Écriture ne valait rien. Tout en essayant d’honorer l’intelligence, Augustin dit qu’il faut d’abord croire : «Tu disais: «J’ai besoin de comprendre pour croire»; et moi: «Crois d’abord pour comprendre.» La discussion est engagée; allons au juge; que le prophète prononce ou plutôt que Dieu prononce par son prophète. Gardons tous deux le silence. Il a entendu nos opinions contradictoires; «je veux comprendre, dis-tu, pour croire»; «Crois, ai-je dit, pour comprendre», et le prophète répond: «Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas.» (Is 7, 9) [Pour lire la suite ]
Une lecture trop spirituelle de l’Écriture ?
Origène est l’un des inventeurs de la méthode allégorique dont se sert parfois Augustin par exemple dans le commentaire des anges sur l’échelle de Jacob. L’objectif, c’est surtout pour valoriser le sens littéral dans une tradition d’interprétation devenue classique. On ne passe au sens spirituel que si le sens littéral est étrange, inutile ou encore contraire à la foi.
Pourquoi Dieu nous parle dans l’Écriture ?
Pourquoi Dieu nous parle dans l’Ecriture alors qu’elle est parfois obscure ? Augustin essaie de justifier Dieu. Que l’on ne comprenne pas l’Écriture peut être fait à dessein, pour nous émerveiller par la beauté des images et susciter notre curiosité : « ce qu’on a cherché avec quelque difficulté se découvre avec beaucoup de plaisir »
Le but de l’Écriture
Pour Augustin, l’Écriture est un chemin pour arriver à l’amour. La meilleure manière d’interpréter la Bible, c’est donc de vivre la Parole car toutes les conversions que nous sommes amenés à faire se trouvent dans les textes de la Bible. Dieu nous parle à l’extérieur et nous enseigne à l’intérieur. La foi n’est pas un but en soi : il faut viser la compréhension des Écritures et écarter tout fondamentalisme. Dieu nous parle pour nous informer et créer une communion avec lui. Dieu est un bon pédagogue.
Le père Nicolas Potteau a conclu la conférence par cette belle citation d'Augustin, une traduction du Père assomptionniste Goulven Madec : «Si donc tu manques de temps pour scruter toutes les pages saintes (…) tiens la charité où tout est résumé; tu tiendras ainsi ce que tu y as appris; tu tiendras aussi ce que tu n’as pas encore appris.» (S. 350,2, BA 11/1,p.241)
[L'article original paru sur assomption.org]
Comentários